Notre avis sur le SCot de Cœur d’Essonne Agglomération
Le 16 aout 2019, Orge Hurepoix Environnement a communiqué son avis sur le SCOT (schéma de cohérence territoriale) de Cœur d’Essonne Agglomération. ce document qui a vocation a influencé les politiques urbaines des 21 communes de l'agglomération, est aujourd'hui en enquête publique. Il est important que les habitants donnent leur avis et nous les invitons bien sur à s'inspirer du travail d'analyse que nous avons mené et que nous publions ci-après.
Marolles, le 16 aout2019
Monsieur le Président,
Des raisons de procédure vous ont contraint à annuler l’enquête
publique relative au nouveau SCOT et nous voudrions en profiter pour engager un
dialogue positif sur ces documents. En effet nous avions regretté de n’avoir pu intervenir dans la concertation
avant publication du document soumis à enquête publique.
Nous avions certes été consultés de manière constructive
dans le cadre du projet de territoire mais force est de constater qu’au final
nous avons des critiques sérieuses sur les options retenues par les élus.
En complément de nos interventions lors des réunions
publiques, vous trouverez donc nos commentaires détaillés.
Tout d’abord, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté quant à
l’esprit qui nous anime, nous soutenons la démarche courageuse et difficile
visant à établir un Scot, elle est rare en Essonne. Elle était nécessaire, du
fait de la fusion du Val d’Orge et de l’Arpajonnais et également en raison de
la prise de conscience générale des enjeux de la lutte contre le Changement
Climatique.
Cependant nous avons le
sentiment désagréable que la précipitation a prévalu. On
a voulu boucler à marche forcée ce travail, sans doute en anticipation d’autres
échéances, quitte à ne solliciter le Conseil Local de Développement que dans la
phase ultime du projet, pendant l’enquête publique. Nous avons l’opportunité d’y remédier.
Quelques remarques préalables sur le diagnostic territorial
Le diagnostic territorial n’est pas un document prescriptif
mais il structure la réflexion. Ce qui suscite plusieurs remarques :
-
La plupart des chiffres datent ou s’arrêtent en
2014, ce qu’il s’est passé depuis 5 ans n’est pas estimé, ce qui peut être
regrettable.
-
A notre avis, l’approche démographique laisse
des zones d’ombre pour l’avenir : si l’on suppose que la croissance
actuelle se maintiendra, on peut tabler sur 220 000 habitants en 2030.
C’est l’option qui sera retenue dans le DOO, page 92. Pourtant si l’on
considère le nombre de logements prévu au PLH (12 000 logements) et le nombre
moyen de personnes par logement (2,45 sur l’agglomération, en Ile-de-France, la
taille des ménages, 2.3 personnes, évolue peu depuis 2006) on arrive plutôt à
236 000 habitants en 2030. Ce n’est pas la même contrainte sur les
infrastructures. Il faudrait au minimum une explication sur cet écart
démographique non identifié et donc dont on ne peut prédire l’évolution.
-
Le diagnostic territorial est seulement allusif
quant aux carences en matière de commerces de proximité.
-
Page 112 il est d’abord affirmé qu’il y a 45
exploitations agricoles sur Cœur d’Essonne. Puis un peu plus loin il n’est plus
fait état que de « 32 exerçant sur le territoire ». Que faut-il y comprendre ?
-
Le « TCSP » de la Nationale 20 est
annoncé à l’Horizon 2025 (page 70). A notre connaissance son coût de 240 M€
(qui ne figure pas dans le document) n’est pas financé et n’est pas supportable
par Cœur d’Essonne seulement. D’ailleurs dans le DOO on ne parle plus de 2025,
mais de 2030. Qui faut-il croire ? le
SCOT du Diagnostic ou le SCOT du DOO ?
-
En matière de transports en commun, la
saturation de la ligne C du RER est éludée. L’accès au RER n’est perçu que du
seul point de vue des contraintes internes (« il faut construire près des
gares ») sans prendre en considération dans le diagnostic les contraintes
qui concernent la ligne dans sa totalité, alors même qu’à l’évidence ce réseau
saturé n’est pas extensible et peu modifiable, alors que la population croît
également sur la totalité de la ligne.
-
Bien que le bilan carbone de Cœur d’Essonne ait
été fait (selon réunion du CLD du 23 juin), dans le diagnostic territorial on
ne trouve aucune estimation des émissions de GES. On ne trouve pas non plus de
données quantitatives même estimées sur la consommation d’énergie.
En conclusion, on constate que, dès le diagnostic, le Scot
présente un point très critique : la saturation
du volume des transports et une sous-estimation des impacts des choix
politiques sur cette saturation et les conséquences qui en découlent en termes
de qualité de vie.
Le Document d’Orientation et d’Objectifs
Les idées fortes du projet
de territoire transparaissent dans le document. On comprend bien que le
discours des élus face aux questions du développement soutenable s’est étoffé,
les préoccupations environnementales et liées au dérèglement climatique sont
dans tous les esprits. On constate cependant que si la prose y figure, les
moyens les plus simples pour lui donner corps ont été escamotés. Les seules
données chiffrées du document concernent le logement (les contraintes du PLH).
En finale on a le sentiment déplaisant que les maires se sont déliés les mains
en matière de développement soutenable. Ce Scot comporte beaucoup de bonnes intentions,
certes incontestables, mais aussi immesurables.
A plusieurs reprises notre association a rappelé qu’un des
principes élémentaires de management en cours dans la plupart des organisations
aujourd’hui était la mise en place d’un tableau de bord avec pour chaque point
d’observation important la situation issue du diagnostic, l’objectif attendu,
l’actualisation. Nous n’avons pas été entendus. A certains égards, cette
demande est convergente avec celle de l’autorité environnementale, notamment lorsqu’elle déclare dans son avis
(page 23) « la MRAE recommande, dans
la rédaction du DOO de s’assurer de la valeur opposable des prescriptions,
notamment celles qui visent à prendre en compte l’environnement ».
Biodiversité
Trames vertes et
bleues (page 28 à 45 du DOO) : cette partie laisse une impression
plutôt positive, avec des préconisations intéressantes mais qui, hélas, ne
sont pas contraignantes. Une piste n’a pas été suffisamment évoquée : le
rôle possible (et à développer) des chemins
ruraux, des départementales, voire des abords de voies ferrées, des lignes
à haute tension comme supports de biodiversité.
Il manque par contre la préconisation de l’adoption par
les municipalités d’une charte de l’arbre
et d’un inventaire des arbres remarquables.
Plus globalement nous attendons un inventaire de la biodiversité sur notre agglomération qui dispose
de biotopes diversifiés (paysages de vallées, coteaux, massifs forestiers,
pelouses sèches, plateaux agricoles avec mares) mais fragilisés. Il est à noter
que l’autorité environnementale, dans son avis, exprimait aussi le regret que
cela soit relégué au niveau des Communes.
La cartographie des trames vertes et bleues est limitée
aux seules communes de l’agglo. La biodiversité ignore les limites
administratives, il faudrait adjoindre une carte (sans valeur prescriptive)
permettant d’évaluer les continuités biologiques au-delà des limites de
l’agglomération.
PCAET
Nous lisons page 47 : « Les orientations du Scot
ont ainsi été établies en s’appuyant sur les différents documents qui portent
sur la protection des ressources et de l’environnement : le Schéma Directeur
d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie, le
Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de l’Orge-Yvette, le schéma
directeur d’assainissement, le schéma directeur de gestion des déchets ainsi
que l’Agenda 21, et le Plan Climat Air Énergie
Territorial (PCAET) de Cœur d’Essonne Agglomération. ». Le PCAET de l’Agglomération
n’existe pas encore. Comment le SCOT pourrait-il donc en tenir compte ? Indépendamment
de la question de la conformité réglementaire, notre conviction est qu’il faut
finaliser le PCAET, après quoi on pourra constater que ses objectifs sont bien
déclinés dans le Scot.
Le DOO ne comporte pas d’objectifs chiffrés quant à la
réduction des Gaz à effet de serre. Cette lacune est pour nous très critique et
les épisodes de fortes chaleurs de cet été nous rappellent l’urgence à agir, et
à définir des objectifs mesurables.
Urbanisation, logement, les « coups partis »
Les élus nous suggèrent une stratégie raisonnable : le Scot
entérinerait une limitation stricte de l’enveloppe urbaine, en incluant dans ce
périmètre les projets déjà lancés (les « coups partis ») Au-delà de
ces projets, on ne consommerait plus de zones agricoles ou naturelles. Si nous
saluons cette nouvelle volonté des élus à « finir la ville », nous
avons plusieurs réserves :
-
Finir la ville mais avec quelle limite urbaine ? On
parle de consommer 400 hectares
d’espaces naturels ou agricoles, auxquels on ajoute 160 hectares de
« dents creuses ». l’autorité
environnementale commente ce terme issu du vocabulaire des bétonneurs :
dents creuses « qui
a priori sont aujourd’hui des espaces agricoles ou
naturels ». nous contestons cette approche laxiste du périmètre urbain,
extensible à souhait. Plus cruellement l’autorité environnementale rappelle
qu’au vue des chiffres consignés dans certains documents du SCOT « la consommation d’espaces non encore
urbanisés prévue pour les dix ans à venir est importante et excède celle de la
période 2008-2018 (…) l’objectif du PADD
de « freiner » la consommation d’espaces agricoles ne sera pas
respecté ». Nous demandons
que le schéma de cohérence
territorial soit cohérent !
- Nous avons la cartographie
en vis-à-vis mais pas les chiffres (du moins pas dans ce document): le
respect de cet engagement sera invérifiable. L'insertion dans le document d’un
tableau indiquant par ville, à l’horizon 2030, les limites prévisibles des
espaces construits, agricoles et naturels conviendrait.
- Nous ne voyons nulle part une quantification
de ces projets dans le DOO, ce qui ne facilite pas la lecture des enjeux de
territoire.
- Certains « coups
partis », mal pensés, pour lesquels aucun coup de pioche n’a encore été
donné, pourraient encore être abandonnés, nous pensons notamment à la ZAC des
Belles-Vues. L’avis de l’autorité environnementale indique d’ailleurs à propos
des projets d’envergure déjà identifiés (page 24) « l’élaboration du projet de Scot aurait pourtant pu être
l’occasion de réinterroger ces opérations ».
- Ainsi, le Scot entérine en
l’état les projets en cours, Valvert et Base 217 (plus de 400 ha au total)
alors qu’il devrait être possible de gérer globalement les 2 projets afin de
préserver du foncier non urbanisé. Cette proposition nous semble aller dans le
sens des remarques de l’Autorité environnementale sur ces projets (page 15 de
son avis, §2)
- Nous reviendrons plus loin
sur les contradictions entre les contraintes du PLH et les limites des réseaux
de transport
Page 18, le Scot indique que l’urbanisation a progressé de
178 ha entre 2008 et 2018 soit 17,8 ha par an, en s’appuyant apparemment sur
les fichiers « Majic ». En nous appuyant sur le site de L’IAU-IDF, nous lisons pour la période de 2007 à 2017, que les
« espaces construits » des 21 communes ont progressé de 279 ha soit 27 ha par an. Un tel écart
est anormal et change l’appréciation que l'on peut avoir du phénomène. L’urbanisation
est beaucoup plus importante que ce qui est indiqué. Nous souhaitons pouvoir
comprendre ces écarts.
Dans le même ordre d’idée, le diagnostic territorial indique
une SAU (surface agricole utile) de 3 171 hectares (en 2010) alors que l’IAU recense
3 660 hectares en terre agricoles en 2017. Comment expliquer cet écart ?
Valvert, un risque excessif ?
Nous demandons au conseil d’agglomération de tirer les enseignements de l’incendie de
Notre-Dame, applicables au niveau de nos projets locaux : les périodes
de travaux et chantiers favorisent l’émergence de nouveaux risques.
L’implantation de Valvert est prévue, avec pour colonne vertébrale, les canalisations existantes de carburants
et de gaz. Pire, on aurait prévu de construire sur leur trajet, une gare routière. Est-ce
raisonnable ? Non seulement nous demandons à connaitre quelles mesures
de sécurité seront prises pour éviter qu’un engin de travaux publics ou de
transports n’éventre une de ces canalisations, mais nous suggérons aussi que le
projet soit réexaminé sous l’angle de la sécurité publique et de la prévention
des risques.
Marolles
La carte à la page 62, met en évidence un élément inquiétant
en terme d’urbanisme sur Marolles : on s’apprête, en suivant
aveuglément les préconisations du SDRIF, à créer, le long de la D8, un quartier
d’habitation, enclavé entre la zone d’activité du pôle gare de Marolles et la
ZAC des Promenades de Brétigny, borné par la RD 19 et la ligne de RER C. Ce
quartier serait totalement isolé du reste de la ville. On fabriquerait un
ghetto. Bien que le SDRIF et le PLU aient déjà entériné cette extension de
l’enveloppe urbaine, il faut éviter cette erreur urbanistique. Lors de la
réunion du CLD du 23 juin, on nous a confirmé que ce projet était en voie
d’abandon. La prudence nous incite à rappeler notre hostilité aux projections
du sdrif sur ce projet.
Perray Vaucluse
Dans le document
« Rapport de présentation – justification des choix retenus », Page
37, on lit que sur les 35 hectares du site de
Perray-Vaucluse, 24 seront versés à l’urbanisation pour un « projet d’équipement »
.Plus loin, page 123, on précise " Le projet Perray Vaucluse concerne le
développement d’activités de santé. Aujourd’hui
le projet n’était pas encore défini, le site est identifié comme réserve
foncière dans le PLU de Sainte Geneviève-des- Bois (zone 2AU)."
Nous sommes résolument
hostiles à une telle urbanisation du site. Seul un projet limité, équivalant
à la surface déjà bâtie, est acceptable, et encore nous préconisons qu’on
concentre les constructions sur un seul secteur et qu’on supprime les pavillons
éparpillés existants. Il est indispensable de restituer aux habitants, cet ilot de verdure au cœur de l’agglomération
dense et d’y préserver une réserve de biodiversité. Nous demandons un
ajustement du Scot et également du PLU
de Sainte-Geneviève-des -bois pour sanctuariser l’essentiel du site.
Par ailleurs nous
nous interrogeons sur la prise en compte
des difficultés éventuelles de franchissement de la voie ferrée pour les
véhicules d’urgence dans le cadre d’une
activité habituelle d’un centre hospitalier (la plus grande partie de
l’agglomération étant située sur l’autre côté de la ligne SNCF)
Poids de la logistique
En matière d’emploi : l’agglomération se caractérise par le
poids des activités logistiques et les récents entrepôts d’Amazon, de Biocoop,
ou le projet, discutable, de Parcolog montrent clairement qu’on reste dans
cette spécialisation, relativement peu génératrice d’emplois locaux (en dépit
des effets d’annonce fantastique à l’initialisation des projets) mais
génératrice de trafic routier. La politique d’emploi sous-tendue par le présent
Scot s’apparente à une politique
d’offre de foncier. Citons un exemple significatif : pour 5 parcs
d’activités de Cœur d’Essonne : Maisonneuve (Brétigny), Techniparc (St
Michel), Les Ciroliers(Fleury), La Mare du Milieu (Guibeville), en moyenne on a
une densité faible de 30 emplois à l’hectare qui traduit le poids des activités
logistiques (et sans l’activité commerciale de la Croix blanche on serait
plutôt autour de 20 emplois à l’hectare). Il faut sortir de la spécialisation
logistique et le SCOT élude cela.
Transports
A plusieurs reprises le SCOT fait référence au projet de
TCSP RN20. La dimension structurante de ce projet vise à remédier aux
difficultés pour les transports en commun qui, sur cet axe, sont noyés dans la
circulation automobile. Si nous convenons parfaitement de l’intérêt de ce
projet, nous en voyons aussi les limites : nous supportons une véritable
embolie régionale qui dépasse le cadre de notre agglomération, d’autant que
l’Essonne compterait 300 000 habitants de plus en 2040.
Les projets d’urbanisation locaux, en cours ou à venir, ne
feront qu’augmenter les flux de circulation. Le TCSP RN20 ne peut être la
solution miracle rendant possible ces mêmes projets. Mais le point le plus
critique que nous relevons est qu’une part importante du SCOT s’appuie
fortement sur ce projet fantomatique estimé à 240 Millions d’euro en 2009 et dont
Cœur d’Essonne n’est qu’un des partenaires. Cette année-là, en date du 17
avril, on pouvait lire sur le site du Moniteur « La requalification de la RN20
est en bonne voie dans l’Essonne. » 10 ans plus tard sur le site
du conseil départemental, nous pouvons lire (http://www.essonne.fr/economie-amenagement-mobilites/les-projets-damenagement/le-reamenagement-de-la-rn7-et-de-la-rn20/
) : « Il s’agit d’un projet de
grande ampleur, impliquant plusieurs
dimensions et partenaires ; ses échéances de réalisation comprennent le
court terme, mais aussi le moyen et le long terme, qui restent en grande part à déterminer » . Aujourd’hui le
SCOT voit ce projet à l’Horizon « 2030 ». Sa programmation toujours
repoussée relève de l’incantation et aucun financement n’est défini à notre
connaissance. Qu’adviendra-t-il de l’économie générale du SCOT si à l’horizon
2030, le TCSP RN20 demeure encensé par tous, financé par personne et finalement
reporté encore aux calendes grecques ?
Nous soutenons le principe de construire plus densément à proximité des gares mais cela n’a de
sens que si le réseau ferré peut supporter la charge. Or nous sommes confrontés
à la réalité d’un réseau ferré régional saturé, de l’aveu même de responsables
régionaux. Ainsi Stéphane Beaudet, vice-président à la région Ile de France, en
charge des transports, déclarait le 8 juillet dernier, dans la République de
Seine et Marne : "Le RER D tel
qu'on le connait aujourd'hui a été conçu en 1994 pour 350 000 voyageurs par
jour. il y en a 650 000 aujourd'hui, dans le même matériel qu'à l'époque"
Ce qui vaut sans doute pour la ligne C.
On nous prédit 20 000 habitants de plus à l’horizon
2030 et peut-être plus. Et notre agglomération n’est pas la seule à avoir des
objectifs de croissance. Dans quels trains ces habitants trouveront-ils de la
place aux heures de pointe alors que la situation actuelle est déjà
épouvantable depuis plusieurs années ? C’est pourquoi nous pensons que le
PLH, imposé par les échelons supérieurs (Etat, région) n’est pas réaliste, il
faut revenir sur les hypothèses d’urbanisation du SDRIF, non cohérentes avec
l’état des transports en commun, ce qui induit mécaniquement un report sur les
transports individuels en parfaite contradiction avec les enjeux de la transition
énergétique. De toute évidence, il faut remettre en cause ces hypothèses et nous
demandons aux élus de Cœur d’Essonne d’exprimer la nécessité d’une révision de
ce document d'urbanisme régional.
Comme
l’autorité environnementale le préconise dans son avis, nous demandons une
étude des déplacements à l’échelle du territoire communautaire. Nous sommes
également favorables à sa suggestion pour améliorer la connaissance des
populations exposées aux nuisances routières (page 15 de son avis).
REPORT MODAL ET MODES ACTIFS
Dans ses préconisations, le SCOT insiste fort justement sur
la nécessité impérieuse de faciliter le report modal pour sortir au plus vite
de la politique et de la pratique du tout-automobile et de la dépendance des
énergies fossiles, qui conduisent au désastre climatique. Cela ne concerne pas
seulement, comme il est écrit dans le DOO, les trajets domicile-travail, mais
aussi tous les déplacements de la vie quotidienne (école, courses, RV médicaux
et autres, loisirs...). En ce domaine, la voiture électrique, dont le bilan écologique
n'est guère meilleur que celui des voitures à moteur thermique, ne représente
en rien la panacée et ne résout nullement le problème des encombrements, dans
la circulation comme dans les espaces de stationnement.
Une politique volontariste s'impose en matière de
covoiturage et d'auto-partage, notamment par une action constante auprès des
entreprises qui demeurent beaucoup trop timorées en ce domaine (utilisation des
aides prévues par la LOM comme mesures incitatives).
Il est certes indispensable de développer le réseau des Transports
en commun, notamment pour améliorer la desserte des gares, des zones d'emploi
et des zones de rassemblement administratifs, sportifs et de loisirs, et les
liaisons avec les territoires voisins. Mais le maillage ne peut être développé
excessivement, car il ne faut pas oublier que les Transports en commun,
essentiellement des bus, roulant le plus souvent aux carburants fossiles, représentent
un mode coûteux de déplacement, qui a ses limites (rentabilité, notamment).
Entre autres alternatives, on cite le téléphérique pour la
liaison RER C-RER D via la Base 217. Mais ce mode de déplacement, utilisé
essentiellement hors zones urbanisées, zones de montagne ou zones accidentées
(le téléphérique de Brest évolue essentiellement hors urbanisation pour le
franchissement de deux bras de mer), Pourrait-il convenir ici en présence de
zones d'habitation quasi continues ? En l’absence d’une étude de
faisabilité (du moins, aucune n’a été portée à notre connaissance) il est bien
difficile de prendre position sur ce projet innovant.
Le DOO demande aux communes de créer les conditions
favorisant les modes actifs en continuité du réseau et son raccordement avec
les grands itinéraires existants. La difficulté réside, en ce domaine, dans le
fait que le réseau, qu'il soit régional, départemental et intercommunautaire
est en grande partie à construire et que, pour ce faire, non seulement les
communes séparément, mais réunies ensemble dans les instances de notre agglomération,
doivent entretenir un rapport constant avec le département et la région pour
bâtir ce réseau structuré dont nous avons le plus grand besoin. Cœur d’Essonne
doit contribuer fortement à la réalisation du plan vélo départemental, en
démarrage, et du plan vélo régional.
Qui plus est, et nous sommes étonnés de son absence dans ce
document, la communauté d’agglomération, avec la collaboration active de ses 21
communes et en liaison avec les communautés voisines, doit au plus vite
procéder à la mise en place du schéma
directeur des itinéraires cyclables, élaboré à grand peine et en instance
depuis plusieurs années. C'est là une priorité. Dans un courrier récent à la
FCDE, qui l'avait interrogé à plusieurs reprises, le Vice-Président de CDEA en
charge des mobilités nous annonce la mise en oeuvre de ce schéma dans un proche avenir, la
validation du projet final par le Conseil communautaire étant prévue
courant 2020, compte non tenu des
échéances électorales et en l'absence d'une consultation des usagers pour
la mise en place de l'indispensable
jalonnement.
Il est fait référence aux grands axes routiers, qui peuvent
jouer un rôle structurant. La liste nous paraît bien limitée et il y manque la
RD 19, la RD 31, la RD 26, la RD 46 et d'autres encore, comme celles reliant
les communes de la vallée de l'Orge. La route de Corbeil, traversant les
communes de Sainte-Geneviève, Villemoisson et Morsang, est un aménagement
relativement récent et quasi impropre à la circulation des vélos. Son
réaménagement, coûteux, n'est pas pour demain, car de toute façon d'autres itinéraires
alternatifs ont été conçus dans le cadre de l'élaboration du schéma directeur,
dont le rédacteur de ce projet de SCOT semble ignorer l'existence. Les grands
axes dont il est question (RD 449, RD 445...demandent des investissements
lourds avec la réalisation d'aménagements cyclables en site propre (pistes
cyclables...). Sauf l'une ou l'autre exception, il est préférable, pour
l'essentiel, de concevoir des itinéraires bis avec des aménagements moins
coûteux, mais sans négliger la qualité de l'aménagement, qui doit être
confortable et sécurisé. C'est avec ce type d'itinéraires que l'on peut
privilégier l'usage de la voie verte, qui convient bien aux liaisons interurbaines
Pour ce qui concerne les communes où, à l'exception de l'une
ou l'autre d'entre elles marquant clairement sa volonté de favoriser les modes
actifs, principalement le vélo, on se trouve face à un quasi désert. La tâche
est donc immense et le SCOT a raison de faire appel à leur contribution via une
prescription, car c'est dans leur réseau routier interne que se déroule une
bonne partie des déplacements à vélo. Au-delà de tel ou tel type d'aménagement
(bande cyclable, SAS cyclable, cédez-le-passage cycliste, double-sens cyclable...)
dont le choix en concertation avec les associations d'usagers doit être fait en
fonction de divers facteurs, trois
principes doivent être respectés : le confort et la sécurité des cyclistes, et
la continuité. Mais un élément nous apparaît fondamental : la vitesse
pratiquée. L'objectif doit donc consister à créer sur l'ensemble de la commune,
hormis quelques grands axes, des zones
de circulation apaisée (zone 30, zone de rencontre, aires piétonnes). C'est
le passage à la ville à 30 km/h,
démarche adoptée par un nombre de plus en plus important de communes en France
et fortement soutenue par le Club des villes et territoires cyclables. Il
s'agit là pour nous d'une prescription prioritaire.
Ces propos sur la circulation apaisée nous amènent
automatiquement à la prescription suivante qui aborde enfin la condition de
l'un des usagers les plus menacés de nos villes : le piéton. Le DOO incite les
communes à mener une politique volontariste en ce domaine. Mais les trottoirs,
certes élargis, ne sont pas les seuls concernés. Il faut créer des espaces de
vie collective, véritables forums classés en aires piétonnes, réaménager
effectivement les espaces publics pour les rendre non seulement plus attractifs
et plus praticables, mais aussi plus sûrs et assurer une continuité entre ces
divers espaces. Pour ce faire, il est
nécessaire de libérer largement nos centres-villes de la présence automobile.
Nota : Dans nos rues
généralement étroites, la piste cyclable, en site propre, y est généralement à
exclure, sauf rares exceptions.
Enfin, il ne faut pas oublier qu'avec le développement des
vélos à assistance électrique (VAE), le rayon d'action du transport à vélo
augmente de manière importante et peut ainsi permettre des déplacements de 15 à
20 km sans difficulté aucune. Ce qui doit être pris en compte dans les
estimations de développement de ce mode de transport comme alternative à
l'automobile.
Pour prendre en compte le cas particulier des modes actifs
sur la Base, la prescription du DOO reste très laconique et aurait mérité
quelque développement. Les quelques réalisations existantes, notamment autour
du site Amazon, ne donnent en rien satisfaction, les cyclistes étant condamnés
à attendre des années la finalisation d'un aménagement (piste cyclable)
actuellement impraticable, alors que l'exploitation du site va démarrer, selon
nos informations, en septembre 2019. Cela veut dire que les cyclistes (dont les
salariés d'Amazon) n'auront accès ni à cette entreprise ni au site de la Ferme
de l'Envol dont les activités devraient démarrer dès 2020.
En outre, des accès confortables et sûrs à la Base elle-même
pour les modes actifs ne semblent pas véritablement planifiés, surtout au Nord
et à l'Est. Cela augure très mal de l'avenir sur un site qui se veut exemplaire
sur le plan environnemental, et il y a fort à parier que la Base risque de voir
se développer comme ailleurs le règne du tout-automobile.
D'une manière générale, nous ne sentons pas, chez nos
responsables politiques, en dépit des prescriptions et recommandations
affichées dans ce document, une volonté suffisamment ferme et délibérée de
privilégier absolument, en matière de déplacements, les alternatives au
tout-automobile. Nous en verrons sans doute la confirmation dans les budgets,
tant en matière d'investissement que de fonctionnement, qui seront consacrés à cet
objectif.
Terres agricoles - ZAP
Nous profitons de cette circonstance pour rappeler notre
courrier du 26 mars concernant les terres agricoles. Notre association a
déjà exprimé son rejet viscéral de toute nouvelle consommation de terres
agricoles sur notre agglomération.
Cependant quand bien même nous n’aurions pas encore
convaincu les élus locaux de cette nécessité, nous sommes convaincus qu'il est
possible de poser quelques jalons
consensuels minimalistes, à l'horizon 2030, qui fixeraient le cap dans le très
long terme, le temps du développement durable, sans astreinte au regard des
projets en cours. Selon les chiffres
2017 de l’IAU, il reste 26,5% de terres agricoles dans notre agglomération.
L'urbanisation progresse au rythme moyen de 27 ha par an depuis 2008, en
conséquence à l’horizon 2030, nous nous acheminons vers 23 à 25% de terres
agricoles.
Un objectif de préservation de 20% de terres agricoles, peut être atteint sans être contraignant
pour les municipalités sur les 30 prochaines années. Nous demandons qu’il soit prévu au SCOT que 15% du territoire de l'agglomération soit classé en zone agricole
protégée. Le maire de
Brétigny-sur-Orge prévoit fort justement le classement en ZAP de certains
secteurs de sa ville. Cette initiative peut être étendue de manière concertée
avec les 21 maires de Cœur d’Essonne, sans occasionner de coût rédhibitoire. Il
faut aller au-delà du vœu pieux formulé à la page 85 du DOO : « Engager
une réflexion sur la mise en place d’outils de protection et de gestion des
espaces agricoles stratégiques : Zone Agricole Protégée, Périmètre de
Protection des Espaces Agricoles et Naturels Périurbains, etc. »
Si le projet Sésame nous semble un bon projet, nous
regrettons que, sur l’aspect agricole, le diagnostic territorial ne soit pas
mieux exploité dans le DOO : le risque de déprise agricole est majeur. 45 exploitations
agricoles opèrent sur Cœur d’Essonne. Avec une population si réduite
d’agriculteurs, Cœur d’Essonne pourrait développer une politique d’aide à la
transmission des exploitations et de transition au Bio. L’objectif d’une agglo 100% bio et sans diminution du nombre
d’exploitations agricoles, à l’horizon 2030 est atteignable.
Énergies renouvelables
Nous ne sommes pas hostiles à la mise en valeur de la
géothermie ou des réseaux de chaleur comme cela est évoqué dans le DOO, mais
une des propositions que OHE avait formulée dans le projet de territoire a été
ignoré : développer le solaire sur les toitures des surfaces commerciales
industrielles et logistiques. Il y a là un gisement énergétique à exploiter,
important, quantifiable, disponible.
Il faut dire que le document « Rapport de présentation - état initial de l'environnement »
évacue la solution solaire en un court paragraphe, page 141 : après avoir
affirmé « La région Ile de France ne
dispose pas d’un potentiel énergétique pour l’implantation de panneaux
photovoltaïques très élevé. » pour reconnaitre, immédiatement
après : « Le potentiel
photovoltaïque moyen sur la région est de 1220
à 1350 kWh /m² /an d’irradiation moyenne pour une moyenne de 1274kWh/m²/an en France. ». Donc on est
dans la moyenne. Pourquoi la ferme solaire de plusieurs hectares, prévue à
Marcoussis sera viable et une solution similaire à Cœur d’Essonne ne
vaudrait pas la peine qu’on y réfléchisse ?
Comme indiqué précédemment, il aurait été utile de disposer
de données quantitatives sur la consommation d’énergie et les émissions de GES
et en regard des objectifs à atteindre au regard des préconisations du GIEC.
Nous regrettons l’approche essentiellement discursive sur un sujet critique.
Le DOO évoque page 50 la perspective de projets éoliens nous
sommes très réservés sur cette possibilité, compte tenu de l’environnement
urbain de l’agglomération et de zones naturelles remarquables.
On ne parviendra pas à limiter les effets du dérèglement
climatique sans objectifs contraignants au niveau de chaque collectivité
locale.
Ressources en eau
Pour ce qui concerne la gestion de la ressource en eau (page
53 et suite) la problématique hydrologique nous semble insuffisamment prise en
compte avec notamment les impacts des nappes perchées présentes sur les
plateaux qui sont ignorées et ont un impact sur les contraintes d’urbanisme.
Tourisme
Nous sommes très dubitatifs sur les perspectives touristiques
de Cœur d’Essonne et nous ne voudrions pas que cela recouvre de nouvelles
perspectives d’urbanisation, pour une hôtellerie secondaire tournée au final
vers la capitale ou d’un retour en douce d’un projet nébuleux sur l’ancien hippodrome de Ris-Orangis.
L’échelon de notre Agglomération ne nous semble pas le
meilleur niveau pour concevoir le développement touristique : qui connait
une famille qui envisage de passer une semaine d’enfer à visiter Cœur
d’Essonne ?
Il existe sans doute une possibilité de tourisme à thèmes
(festivals, rencontres sportives, jeux de rôles grandeur nature), mais ce type
de tourisme est-il assez régulier pour justifier des infrastructures
d’hébergement ?
Conclusion
En conclusion, et ce, en
dépit d’une évolution positive des élus quant aux enjeux du développement soutenable
et de réelles avancées, nous demandons de sérieux ajustements aux documents du
Scot :
-
Nous
demandons un effort pour rendre plus lisible, plus synthétique le document le
plus prescriptif (le DOO)
-
Nous
demandons une définition plus restrictive du périmètre encore urbanisable
-
Nous
demandons un objectif chiffré de sanctuarisation des terres agricoles.
-
Nous
demandons que la finalisation du SCOT soit assujettie à la finalisation du
PCAET (et donc à ce que le PCAET soit engagé)
-
En
l’absence de projet chiffré, financé et programmé pour le TCSP RN20, il n’est
pas raisonnable de bâtir une partie du SCOT sur cette hypothèse, et les projets
qui en dépendent doivent être reconsidérés.
-
La
ligne du RER C est devenue un goulot d’étranglement dans le processus d’urbanisation,
ce point doit être franchement abordé, avec tous ces impacts notamment en
termes d’urbanisation, de construction de logements. Il faut mettre l’état et
la région devant leurs responsabilités.
-
La
partie consacrée aux alternatives au tout-automobile est insuffisamment développée,
comporte des lacunes et ne fait aucune référence aux outils de planification
des itinéraires cyclables que sont le Schéma directeur des itinéraires
cyclables de la CdEA, le plan vélo régional et le plan vélo départemental.
-
Nous
souhaitons que le prochain dossier d’enquête publique mis à disposition des
citoyens, contienne l’avis de l’Autorité Environnementale ainsi qu’un mémoire
en réponse
Un territoire Cohérent, une administration cohérente
Par ailleurs notre association environnementale suggère à
Cœur d’Essonne une nouvelle approche en termes de territoire :
-
Nous
avons besoin d’un PLUI, pas d’une juxtaposition de projets urbains plus ou
moins bien cohérents entre eux, parce qu’il y a continuité urbaine autour des
axes de communication qui sont aussi des goulots d’étranglement.
-
Pour cette même raison la fusion de communes ne doit plus être un sujet tabou, même si
nous comprenons les réticences naturelles que susciterait une telle démarche.
-
Brétigny et Le Plessis-Pâté forment une seule et
même unité urbaine
-
Arpajon n’est que le centre-ville d’une ville de
30 000 habitants qui, administrativement, n’existe pas encore
-
Prendre en compte les réalités urbaines
permettrait aussi de satisfaire à bon compte aux contraintes en matière de
logement : par exemple avec 29% de logements sociaux l’ensemble Brétigny +
Plessis-Pâté respecte déjà la loi et pourrait concentrer ses moyens sur
d’autres préoccupations, moins dévoreuses d'espaces agricoles et naturels.
Nous invitons les élus communautaires à changer de modèle de
développement.
En vous remerciant pour l’attention que vous voudrez bien
accorder à nos préconisations, nous vous prions d'agréer, Monsieur le
Président, l'expression de nos
sentiments distingués.